LE SOCLE PROPRE
Quels sont les socles propres à l’Humain ? A l’endroit des points de gravité qu’est-ce qui distingue le Sapiens de sa Terre ? On avance debout, on rêve allongé. Nous avons un berceau idéal au désir d’apesanteur, un pansement réel au problème de pesanteur. Par le jeu de la double vision, cette œuvre réunit des jumeaux pour exhiber deux postures relatives à deux complexes. Les objets que l’on crée nous identifient. Serions-nous à ce point surréaliste ?

"Le Socle Propre"
Polyester, acier, mousse polyuréthane, acrylique, tissu.
H 104 cm x L 80 cm x P 150 cm.
2021

"Le Socle Propre"
Plan n°1
LE SOCLE PROPRE
Que sommes-nous ? Que crée-t-on ? Quelle idée avons-nous de nous-même aujourd’hui ? L’œuvre nous renvoie à nos complexes humains, à nos postures et nos impostures. Le siège met en abime les rapports entre le sujet et l’objet, l’endroit idéal et l’envers réel.
Les objets sont des formules magiques. Ce sont des souhaits humains exercés sur des réalités. Le siège est particulier, c’est l’objet identitaire par excellence. Il répond à l’homme là où le ventilateur répond à la chaleur et le balai à la poussière. Pour être créé, le siège interroge l’homme tel qu’il se ressent et se conçoit. Nous devons comprendre que nous sommes sujet conscient et sujet matériel. Comprendre que l’objet nous traitera comme on l’a traité. Comprendre que les objets ont deux pouvoirs majeurs qui dans ce cas-ci exposent le désir spéculatif de notre conscience à l’endroit de son auto-conception.
Un pouvoir symbolique. L’objet est signifiant et son nom, qu’il en soit la cause ou le résultat, en est la preuve initiale. Par exemple, le mot « siège » vient du latin sedes, -is, qui signifie entre autres, le domicile, le fondement, l’anus, l’assiette, la station d’équilibre du corps, … Le siège est un terme vaste qui renvoie à des aspects très terrestres de notre présence. Le siège est une expression de notre matérialité.
Un pouvoir réfléchissant. L’homme est ambivalent, physique et psychique, animal et conscience, entre réel et idéal. L’objet aussi fusionne entre le réel et l’idéal, c’est une réponse de l’idéal au réel et du réel à l’idéal. Mais, l’homme, lui-même divisé, désire des réponses à la nécessité réelle et des réponses à la nécessité idéale. Ce qui fait que les objets que nous créons, qu’ils soient pratiques ou superflus, sont toujours aussi sophistiqués que l’idée que nous avons de nous-même à l’endroit de leur fonction. Plus la fonction de l’objet nous idéalise, plus précieux, symbolique et esthétique sera l’objet. Plus la fonction de l’objet nous concrétise, plus négligeable, insignifiant et inesthétique sera l’objet. Ce qui mène du réel le plus limitant à l’idéal absolu, c’est le Totem. Ce qui mène de l’idéal absolu au réel le plus limitant, c’est le Tabou…
Voilà pourquoi les sièges, en totems illusoires, répondent à l’homme idéal, celui qui pense, médite, rêve, quitte le réel pragmatique pour devenir cérébralité empirique en plaisir et en apesanteur. Ce que l’on guette, c’est le tapis volant au sens de l’hétérotopie de Foucault. Mais c’est oublier que nous sommes aussi réels.
En effet, nous avons le siège pour l’idéal, quelle est le siège pour le réel ? Y va-t-il une forme similaire projetée par la production de masse et répondant aux mêmes impératifs, soulager l’humain, absorber ses maux, le libérer de la pesanteur, l’affranchir des réalités qui apparaît simplement comme un coussin placé sous les fesses ? Un même support polymérique d’astronautes à l’assaut de l’espace ?
Si le réel et l’idéal sont confrontés, il y a certainement antithèse au niveau symbolique. Quelle forme archétypale qui corresponde au siège suprême existerait systématiquement à ses propres antipodes ? Que serait, par le jeu des extrêmes, au désirable, l’indésirable, au prestigieux, le misérable, à l’exposé, le caché, au propre, le sale, au maximal, le minimal, à l’onéreux, l’économique, à l’honorable, le honteux, au rare, le commun, à l’unique, le multiple, au valorisant, le dégradant, au pérenne, le jetable, à l’agréable, le désagréable, au majeur, le mineur, au complexe, le simple, à la forme, l’informe, à l’inutile, l’utile, au sédentaire, le nomade, au totem, le tabou… et qui soit toujours un bazar pour poser notre bas arrière. Nous l’avions occulté, c’est la protection hygiénique.
Le Socle Propre, ainsi composé en « serviette-banquette », est vision honnête et impudique qui éclaire sur les pouvoirs de l’objet qui instrumentalise, symbolise, et reflète notre perception. Le propos énonce l’humain qui craint le réel et vénère l’esprit, mais le siège, hybride et excentrique, met à l’épreuve notre dualité psychique à plusieurs niveaux afin d’en explorer les impasses.
Cet objet, par le jeu de la double vision, déclenche artificiellement notre instinct très binaire, acceptation ou rejet. Ce même jeu de l’égalité à l’endroit de la différence est ensuite naissance de questions brutes voire inutiles car extrêmement polarisées. Est-ce beau ou laid ? L’apparence est-elle appartenance ? La forme est-elle l’objet ? Est-ce une vision homogène ou hétérogène ? Fait-on de l’illusion de la réalité sa contre réalité ? La vérité existentielle serait-elle constituée pour moitié d’imagination réel et pour moitié de réel imaginé ? Ou encore et curieusement d’emblée cette fausse vraie question, ni vulgaire, ni géniale, celle du genre. Est-ce féminin ou masculin ? Le sexe est-il la base ou le comble de la conception ? Humainement, au-delà du genre, sommes-nous le parent ou l’enfant de notre Monde ?
Le Socle Propre existe en objet du Yin et Yang et manifeste l’interaction de la dualité naturelle simplement comme l’union des opposés, il exprime que la création est entre immanence et transcendance.
Toute considération à l’égard de ce siège nous distingue en idéalistes illusionnés par leurs totems et leurs tabous. Tandis que les pensées s’éparpillent, nous nous dispersons. La posture idéale est réelle imposture. Au vice-versa et vice au verso.